Les mines d'or
J’ai eu la possibilité de
visiter la région productrice d’or de Bartica durant mon voyage. J’avais été
intrigué par les quelques témoignages que j’avais entendu à Georgetown
concernant ses espaces comme étant des lieux assez dangereux, sans lois et avec
une faible présence de l’Etat, une sorte de monde parallèle.
1)
Un espace à
l’écart
Déjà, pour se rendre dans
les mines d’or, il est nécessaire d’emprunter plusieurs transports différents,
sur de longues distances et assez chers étant donné leur éloignement
géographique et le faible développement des infrastructures du pays. Ainsi, les
régions minières sont naturellement isolées du reste des axes du pays, ce qui
amène à un fort isolement des personnes travaillant dedans qui n’ont souvent
plus de contacts réguliers avec leurs lieux d’origine. Dans mon cas, pour me
rendre dans la ville minière (Puruni) depuis Georgetown, j’ai dû prendre un bus
d’une heure et demie puis un bateau collectif jusque Bartica pour ensuite
trouver un bateau qui acceptait de me déposer de l’autre coté du fleuve jusqu’à
un village d’où partait des taxis collectifs pour un trajet de 3 heures sur des
pistes en boue jusque Puruni. C’était long, très long. C’était cher, très cher.
2)
Une
population masculine, aux métiers durs et aux loisirs un peu scandaleux.
Personne ne se retrouve à
Puruni sans raison. Il s’agit d’une ville (un village dira-t-on vu qu’il y a au
plus 800 habitants) construite uniquement autour de l’activité minière. On n’y
trouve ni école ni familles ni personnes âgées. On parle de monde parallèle car
il n’y a pas de bureau de police (ou du moins je n’en ai pas vu) ni
véritablement de services administratifs de l’Etat. On a l’impression que cette
agglomération s’est faite au gré des circonstances et de l’arrivée
non-organisée de personnes différentes. La population est composée des mineurs
et des employés des différents commerces. Ainsi, c’est un milieu assez étrange
lorsque l’on débarque tant les différentes personnes sont facilement
identifiables. Les mineurs viennent parfois du Brésil ou du Venezuela pour y
travailler car ,certes c’est un métier certes dangereux mais qui rapporte plus
que ceux d’autres secteurs. Ceux-ci sont particulièrement touchés par
l’enclavement et soit parfois presque emprisonnés dans la ville tant il se
retrouvent à y dépenser tous les gains qu’ils y font et n’ayant alors plus les
moyens de payer un billet retour pour leur lieu d’origine. C’est ce que me
témoignait un vénézuélien que j’ai rencontré sur place. Il avait sa femme au
Brésil avec qui il gardait contact mais me témoignait de l’anxiété que lui
causais sa séparation géographique avec elle et les difficultés qu’il avait à
se projeter dans un retour.
Il convient de comprendre
pourquoi est-ce que les mineurs sur place se retrouvent à adopter un mode de
vie spécifique qui les amène à rester sur place de manière indéterminée quand
bien même ce n’était pas leur projet initial. Premièrement, ces derniers ne
sont pas nécessairement à Puruni durant la semaine. Ils sont dans des mines à
ciel ouvert aux alentours et dorment juste à côté d’elles dans des maisons de
fortunes parfois ou des habitations en bois. Ainsi, ils économisent toute la
semaine et le week-end arrivé, ils se retrouvent tous à Puruni. L’épuisement
physique intense que provoque l’activité et sa dureté fait que le moment de
repos du week-end est véritablement l’occasion d’un défouloir pour nombre
d’entre eux. Puruni est organisé pour qu’il puisse justement avoir des loisirs
qui leur permettent de tenir et accepter leur situation. Premièrement, on
retrouve le long de la route principale des tables où s’amassent des dizaines
d’hommes autour de jeux d’argents. J’en ai vu dilapider devant
mes yeux, et devant ceux de dizaines d’autres mineurs, leur salaire
hebdomadaire en une mise. Deuxièmement, la ville doit avoir plus d’une dizaine
de bars où se retrouvent les mineurs et s’alcoolisent fortement, ce qui
déclenche des bagarres récurrentes. Par exemple, j’ai appris le jour de mon
départ que plusieurs mineurs avaient remarqués, étonnés, ma présence à un bar
connu pour sa dangerosité, qu’ils surnommaient le Gaza Strip, en raison des
bagarres qui y avaient lieux très souvent. Dernièrement, et c’est un point
important, une partie non-négligeable des femmes sur place sont des immigrées
vénézuéliennes qui se venues à Puruni pour se prostituer. Dans tous les bars de
la ville, on retrouve ses femmes – assez invisible durant la journée – et qui
se retrouvent souvent en groupe dans les bars en attendant que les mineurs
viennent les sollicités. On comprend que le cadre de vie très masculin durant
la semaine et l’absence totale d’autres activités économiques dans la ville
autour de métiers plus féminins amènent à une grande difficulté pour ses hommes
de rencontrer des femmes s’ils n’ont pas recours aux services de prostituées.
Lorsque je me baladais dans la rue le vendredi soir, on ressent véritablement
cette ambiance glauque, de débauche, rien que dans l’atmosphère ambiante. En
résumé, les trois points qui permettent aux mineurs, malgré les conditions de
travail effroyables sont : les jeux d’argent, l’alcool, la prostitution.
Il s’agit là évidement d’un tryptique idéal-typique qui n’a pas valeur d’universalité...
Tous les mineurs ne rentrent pas dans ce schéma mais c’est l’impression qui s’est
dégagée à mon regard.
3)
Comment se
passe le travail aux mines ?
Je n’ai pas été
uniquement visiter la ville de Puruni. J’ai également eu la possibilité de voir
des mineurs au travail de mes propres yeux. J’ai été choqué par la dureté du
métier. Je vais essayer d’expliquer les conditions de travail bien qu’une serait
plus pertinente. Au Guyana, l’activité minière est répartie entre énormément de
petites mines indépendantes dans lesquels travaillent des groupes de 15 à 20
personnes au maximum. Il existe à côté de cela quelques grandes mines dirigées
par des multinationales étrangères. Les mineurs creusent des trous dans la
terre à l’aide de gigantesque turbine à eau de manière à former une espèce de
boue qui est ensuite traitée par une machine qui effectue un premier tri de la
terre pour concentrer les pépites d’or. Ce travail s’effectue dans le sol creusé,
sous un soleil écrasant, permanent, brulant. Les mineurs sont couverts de boue
et aspergés par leurs turbines de manière continue. Il y a un générateur qui
fournit de l’électricité à la turbine et qui produit un bruit assourdissant
constant qui bousille les oreilles des mineurs. Il faut ajouter un dernier
point important : l’eau insalubre, une fois utilisée n’est pas traitée et
se retrouve dans de grandes bassines stagnantes juste à côté des mineurs. C’est
dans ce type d’espace que prolifère les moustiques responsables de la malaria.
Ainsi, tous les mineurs s’exposent quotidiennement à la maladie. Beaucoup
d’entre eux l’ont déjà eu.
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