Le football amérindien


Lorsque je me rendais dans les différents villages et que je ne connaissais personne, le football était souvent l’opportunité pour moi de rencontrer des Guyanais et de sociabiliser autour d’un sport que j’appréciais particulièrement.

J’ai pratiqué le football à un assez bon niveau pendant de nombreuses années lorsque j’étais enfant. L’aspect tactique du jeu était très important : passer le ballon le plus vite possible, jouer rapide, court, bien se positionner dans sa zone, être aligné en défense, etc. Lorsque j’ai joué avec des Guyanais pour la première fois, le choc des styles de jeu était très grand. Premièrement, le jeu de passes courtes pour avancer, construire des actions de jeu en sollicitant les milieux de terrains n’existait pas. Les joueurs partaient de la défense pour essayer soit de dribbler tout le terrain en essayant de se distinguer par des dribles prestigieux mais peu efficaces (petits ponts, roulettes, virgule…) ou alors en dégageant la balle directement vers l’avant, espérant que l’attaquant parvienne à réceptionner des ballons longs, la manœuvre rendue encore plus compliquées par la qualité très moyenne des terrains. Le jeu était vraiment organisé autour de ses deux possibilités : dribble intempestif pour certains, dégagements herculéens pour d’autres. Bien que ce n’était qu’une impression au début, j’ai vu ce schéma se répéter dans les différents villages au fur à mesure du voyage. Par ailleurs, en conversant avec un Français qui était coach de football à Lethem, il me confirmait que le jeu tactique n’était presque pas enseigné. Au contraire, la plupart du temps on encensait les joueurs qui se démarquait en effectuant un dribble ou une longue passe pour leur qualité individuelle. Ainsi, le football perd de sa dimension collective avec la victoire comme récompense de groupe pour laisser place à une succession d’actions individuelles où les félicitations sont toujours au singulier.

Par ailleurs, les sports collectifs sont, selon moi, une école de la vie. Le fait de ne pas imprégner dès le plus jeune âge l’importance du collectif et la solidarité sportive, a indéniablement des conséquences sur la confiance que l’on a en autrui, l’empathie et la faculté à créer/construire des projets ensembles. Les communautés amérindiennes souffrent de grandes tares directement liées à la méfiance généralisée entre les personnes des mêmes communautés et la difficulté à exprimer ouvertement les problèmes rencontrés, ce qui amène régulièrement à des déchainements de violence sporadiques qui servent souvent de moyen pour résoudre les conflits (déclenchés par la prise d’alcool).

Les sports permettent l’apprentissage de la communication et du principe d’égalité qui peuvent être ensuite précieux pour le bon fonctionnement des communautés. Je trouve que l’esprit que l’on retrouve sur les terrains de foot guyanais se répercute sur les communautés amérindiennes. Ce n’est qu’une hypothèse bien évidemment et je suis conscient que c’est très limité comme explication par rapport à l’étendue du problème.




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