Le développement économique dans les communautés amrindiennes
Le Guyana est un pays qui a connu en 2021
et 2022 le taux de développement le plus élevé du monde grâce aux nouveaux
investissements pétroliers. Une des questions qui orientait mon voyage était celle conséquences sur les populations amérindiennes.
A) Il y a de nouveaux investissements dans les communautés qui se
développent.
Les communautés amérindiennes bénéficient
depuis quelques années maintenant d’investissements plus récurrents de la part
des agences de l’Etat chargée du développement économique. Par exemple, dans le
village de Whitewater où je me suis rendu, une fabrique de farine et de sauce à
base de kasava (manioc) a été
construite en 2023 par le gouvernement. Le vice-président est attendu dans le
village pour l’inaugurer. C’est un bon exemple, il me semble, d’investissement
direct dans les communautés de manière à stimuler la création d’activités
agroindustrielles qui peuvent rapporter des devises durablement au village. Les
investissements se font principalement à travers d’agences comme l’HISAD ou le
…. (Ministère agriculture). J’ai aussi visité le village de Kumu où une
entreprise srilanlankaise construisait des installations électriques alimentées
par la cascade voisine au village. Le financement provient également de l’Etat.
Par ailleurs, la plupart des communautés
obtiennent des sommes de la part de l’Etat à investir pour des projets qu’elle
souhaite mettre en place. C’est le cas dans le village de Red Hill où le chef
du village (Toshao) m’a expliqué qu’il a reçu plusieurs sommes d’argents pour
des projets tels que l’achat de bateau de pêche, la construction d’une Guest
House pour accueillir des personnes, l’achat de pelleteuse… Ainsi, les projets
partent régulièrement d’initiatives au sein du village et l’Etat assure le rôle
de facilitateur grâce à ses nouveaux fonds financiers provenant de la rente
pétrolière.
B) Cependant, le développement économique est freiné par le manque de
main d’œuvre qualifiée et les pratiques clientélistes.
Bien que des projets se mettent en place,
le constat général lorsque je posais des questions aux locaux concernant le
développement économique est qu’il était relativement lent, beaucoup moins fort
que ce que les nouvelles rentes du pays laissaient espérer. De fait, le Guyana
reste un des pays les plus pauvres d’Amérique du Sud et les communautés
amérindiennes sont des espaces isolés encore moins développés que le reste du
pays.
Une des explications est le manque de main
d’œuvre qualifiée pour mener à bien les projets. Le niveau scolaire dans le
pays est très mauvais bien que la scolarité soit obligatoire jusqu’au primaire
et que l’on retrouve des écoles mêmes dans les villages les plus reculés. Le
niveau est extrêmement bas. A titre d’exemple, j’ai appris qu’il y avait des
filles de 15 ans qui étaient déjà professeures dans certains villages (dans ce
cas-ci, c’était à Moko-Moko) et le diplôme qui permettait d’accéder au poste était
l’équivalent du brevet des collèges. Par ailleurs, l’Université de Georgetown
(la seule du pays) dispose de peu de facultés (il n’y avait pas médecine jusque
très récemment, les étudiants devaient se rendre à Cuba) et d’effectifs très
faibles. Ainsi, il y a peu d’ingénieurs, d’architectes, d’électriciens. Ce
manque est encore plus fort dans les villages où les habitants sont souvent
amenés à créer des projets d’eux-mêmes qui échouent souvent. C’était par
exemple le cas à Red Hill où la route qui devait traverser le village et relier
les deux collines qui le composait a été arrêté en plein milieu.
Un autre grand problème dans les villages
amérindiens est l’absence de compétences comptables et de suivi administratif
permettant d’assurer que l’argent est correctement dépensé. J’ai visité le
Ministère des Affaires Amérindiennes à Georgetown qui s’occupait de verser une
partie des fonds nécessaires aux villages pour leurs investissements suite à
des suspicions de détournement de fonds à Red Hill. Lorsque j’échangeais avec
un haut fonctionnaire sur la nécessité d’effectuer un audit dans le village pour
vérifier que les sommes investies par le chef de village correspondaient aux
sommes qu’il avait perçu auprès du Ministère, il m’affirmait que c’était
presque impossible de vérifier étant donné que les factures d’achats,
l’écriture de l’ensemble des dépenses et des entrées d’argent n’étaient pas
systématiquement intégrées dans les bilans comptables. Max Weber donnait le
développement de la bureaucratie au 20ème siècle comme exemple de la
rationalisation économique du monde. L’absence de bureaucratie efficace pour
contrôler les achats et les dépenses facilite extrêmement les dérives des chefs
de village qui peuvent aisément prendre une partie des fonds et annoncer que le
projet sera effectué sans avoir les quantités d’argents suffisantes. C’est ce
qui amène à des échecs cuisants dans de nombreux projets des villages
amérindiens. J’ai pu l’observer à Red Hill où des habitants m’ont alerté des
détournements de fonds effectués par le chef de village pour sa propre famille
et pour acheter les voix d’une partie des habitants, clientélisée.
De manière plus globale,
la forte corruption du pays affecte les communautés amérindiennes. J’ai
rencontré lors d’un trajet en bus un homme qui s’appelait Ricardo et qui
enquêtait sur un autre cas de détournement de fonds dans un village de la
région 4. Dans son cas, il s’agissait d’un montant initial qui avait été alloué
à une entreprise pour la construction d’une petite centrale électrique.
L’entreprise ensuite revendait le contrat à une entreprise tiers pour une somme
inférieure, laquelle revendait à son tour le contrat à une dernière
entreprise. Ainsi, le projet n’était jamais abouti ou mal réalisé.
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